L'instant pénal-fiscal : Les 3 MAJORATIONS FISCALES QUI MèNENT DIRECTEMENT AU PARQUET

Depuis la loi relative à la lutte contre la fraude de 2018 (n°2018-898 du 23 octobre 2018), le contrôle fiscal n’a cessé de se renforcer, rapportant 10,6 milliards d’euros à l’État en 2023 (Rapport annuel d’activité pour 2023 publié par la Direction générale des Finances publiques (DGFiP)), soit une hausse de 37,5 % depuis l’entrée en vigueur de la réforme.
 
Ainsi, la transmission automatique des dossiers fiscaux au parquet est devenue une réalité pour les infractions graves. Les rappels d’impôts supérieurs à 100 000 €, accompagnés de majorations de 100 %, 80 %, ou même 40 % sous conditions, n’échappent plus à la justice pénale. Cette suppression du « verrou de Bercy » marque un tournant : l’administration fiscale, autrefois seule maître des poursuites, collabore désormais étroitement avec le Procureur. Quels comportements mènent à cette dénonciation automatique ? Réponses ci-dessous ⬇️

1. LA MAJORATION DE 100 %

Cette majoration est appliquée dans le cas où un vérificateur considère avoir été empêché d’accomplir sa mission de contrôle soit du fait du contribuable, soit du fait de tiers. On parle alors d’opposition à contrôle fiscal.

🔍 Quelques Exemples :

  • le fait de refuser de présenter sa comptabilité ou de ne pas répondre à plusieurs mises en demeure d’avoir à présenter celle-ci ;
  • le fait d’éluder systématiquement les entrevues avec le vérificateur ;
  • le fait de fermer son siège social sans fournir une nouvelle adresse ;
  • le fait de proférer des menaces à l’encontre du vérificateur l’empêchant de réaliser le contrôle dans des conditions normales.

2. LA MAJORATION DE 80 %

Cette majoration est appliquée dans les cas suivants :

  • Activité occulte (activité illicite ou non déclarée à l’Administration)
  • Abus de droit (actes considérés par l’Administration comme étant fictifs ou à but exclusivement fiscal)
  • Manœuvres frauduleuses (actes conscients et volontaires destinés à donner l’apparence de la sincérité à des déclarations en réalité inexacte) ou absence de déclaration de certaines sommes et certains actifs

3. LA MAJORATION DE 40 %

Cette majoration est appliquée lorsqu’une déclaration ou un acte n’a pas été déposé dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure, ou en cas de manquement délibéré (“mauvaise foi”) ou encore d’abus de droit.

Attention : Dans ces situations, la transmission automatique au Parquet s’applique uniquement si, au cours des 6 années civiles précédant son application, le contribuable a déjà fait l’objet lors d’un précédent contrôle des majorations de 100 %, 80 % ou 40 % précédemment visées ou d’une plainte de l’administration.

BON A SAVOIR 💡

1️⃣ L’obligation de dénonciation au Parquet ne s’applique qu’à condition que les droits rappelés ayant été assortis des majorations de 100%, 80 % ou 40 % s’élèvent à un montant supérieur à 100 k€.

2️⃣ L’application des majorations s’apprécie au stade de la mise en recouvrement ou au stade des dernières conséquences financières portées à la connaissance du contribuable lorsqu’une transaction est conclue avant la mise en recouvrement.

Les transactions conclues après mise en recouvrement ne permettent pas de faire échec à l’obligation de dénonciation.

3️⃣ L’obligation de dénonciation n’est pas applicables aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative.

Les conseils de Thibault ZEGRE

Dès la réception de la proposition de rectification, il est indispensable de contester les pénalités.

Avant la conclusion de toute transaction, demander à l’Administration fiscale de préciser les nouvelles conséquences financières et ce, afin d’éviter une transmission du dossier au parquet.

Anticiper les implications pénales et explorer, dans le cas où le parquet venait à être saisi, les voies alternatives pour aboutir à une solution globale satisfaisante.

FAQ ℹ️

Une majoration fiscale est une sanction financière appliquée par l’administration fiscale lorsqu’un contribuable commet une irrégularité fiscale, que ce soit par erreur ou de manière délibérée. Les majorations peuvent varier selon la nature et la gravité du manquement. Par exemple, une majoration de 40 % peut être appliquée sur les droits redressés en cas de manquement délibéré, tandis que des majorations de 80 % ou 100 % peuvent intervenir en cas de fraude manifeste. Ces majorations viennent souvent s’ajouter aux intérêts de retard et peuvent entraîner des poursuites pénales.

La contestation d’une majoration fiscale peut intervenir à différents stades de la procédure :

  1. Phase précontentieuse : suite à une proposition de rectification émise par l’administration fiscale, des échanges peuvent être initiés pour contester les majorations.
  2. Phase contentieuse : après la réception d’un avis de mise en recouvrement ou d’imposition, une réclamation peut être déposée pour contester les montants dus.
  3. Demande de remise gracieuse : cette démarche peut être effectuée soit en cours de procédure de rectification, soit pendant le délai de prescription pour obtenir une réduction ou annulation des majorations.

Le « Verrou de Bercy » désignait le monopole de l’administration fiscale sur la poursuite des infractions fiscales. Avant 2018, l’administration fiscale décidait seule de la transmission des dossiers au procureur de la République. La réforme de 2018, supprimant ce verrou, a permis la transmission automatique au parquet des affaires fiscales graves, notamment en cas de fraude, dès lors que les rappels d’impôts sont supérieurs à 100 000 € et accompagnés de majorations significatives. Ce changement a renforcé la lutte contre la fraude fiscale.

La Commission des infractions fiscales (CIF), créée par la loi du 29 décembre 1977, joue un rôle consultatif essentiel pour éviter l’arbitraire de l’administration fiscale. Elle examine les plaintes de l’administration en matière de sanctions pénales relatives aux impôts directs, TVA, droits d’enregistrement, et autres taxes, principalement pour les délits de fraude fiscale. Avant la loi du 23 octobre 2018, le mécanisme du « verrou de Bercy » interdisait au Parquet d’engager des poursuites sans l’aval de la CIF. Cette loi a modifié le processus, en permettant désormais à l’administration de dénoncer directement les faits graves au procureur de la République sans consultation préalable de la CIF, lorsque les critères spécifiques sont remplis (ex. montant fraudé supérieur à 100 000 euros).

Pour les cas ne relevant pas de la dénonciation automatique, la consultation de la CIF demeure nécessaire pour l’application de sanctions pénales. La Commission émet un avis favorable ou défavorable, et elle intervient également dans le cadre de la publication des sanctions administratives, comme celles concernant les amendes ou majorations importantes.

En plus de son rôle consultatif, la CIF rédige un rapport annuel d’activité. Elle peut intervenir sur d’autres infractions fiscales, y compris le « délit comptable » ou des infractions similaires, mais pas sur les délits d’escroquerie à la TVA ou de blanchiment de fraude fiscale.

La procédure devant la CIF implique une saisine par le ministre du budget, et le contribuable est informé de cette saisine. Il peut fournir des informations dans un délai de 30 jours. En cas d’avis défavorable, l’administration ne pourra pas déposer plainte. Toutefois, un avis favorable de la Commission ne lie pas le Parquet, qui reste libre de déclencher ou non l’action publique.

Pour plus d’informations : Voir le rapport d’activité pour 2023 publié par la Commission des infractions fiscales.

LIENS UTILES 🔗

Besoin d’un avocat en droit pénal-fiscal ? Maître Thibault ZEGRE est à votre disposition pour vous accompagner dans la contestation de vos pénalités fiscales et vous défendre si le parquet venait à être saisi. Grâce à son expérience, il vous propose une approche pragmatique et personnalisée pour résoudre votre dossier.

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